Captain D. Case Fog
Charlotte Houette
«-Labyrinthe. Je n’ai jamais pu sortir. / Je vis éternellement dans un bâtiment qui va crouler», écrit Baudelaire, décrivant moins le labyrinthe physique que son confinement psychologique. La note du poète décrit un cauchemar typique. Comme si l’on errait seul dans une ville alors que la foule se dissout inexplicablement. Remuer et se retourner dans son sommeil à l’heure du loup. Écrire et réécrire encore et encore ou ressasser la même image à l’infini jusqu’à ce que quelque chose commence à s’effondrer, ou à émerger. Ces labyrinthes sont toujours épuisés. Ils indiquent ce qui n’est jamais sorti de l’esprit. Ces choses qui restent coincées là et qui hantent. On pourrait penser à tous ces films labyrinthiques, où des scènes coupées net par une caméra créent des sensations de chaos, de confusion, ou le sentiment d’être pris au piège. Des films qui tordent le temps ou la logique, qui mettent en place des pièges élaborés pour le spectateur : pas d’échappatoire. De tels films suivent la logique des rêves d’angoisse étouffants, dans lesquels les effets spéciaux de l’esprit se confondent avec des espaces scénarisés, des zones mortes ou des impasses à l’intérieur de châteaux effrayants, d’hôtels isolés et d’immeubles d’habitations vides. Les couloirs en forme de labyrinthe infusés de fantômes psychotiques s’avèrent être une métaphore de l’esprit de l’écrivain. Dans l’excellent Fog, à l’intrigue inexistante, le brouillard luminescent se révèle être une parabole de la désintégration sensorielle. (Ou un trompe l’oeil.) L’enfer est le coeur froid de tous les labyrinthes : il entoure l’aveuglement, la confusion, l’inconnu diabolique. Ces chocs sont spectaculaires. D’eux émergent des allégories.
Les oeuvres de l’exposition actuelle de Charlotte Houette remettent en scène le labyrinthe cinématographique. Des peintures de fenêtres, comme des décors, arrachées à la façade de Treignac Projet, recolorées pour courtiser l’étrange, entraînent le spectateur dans un labyrinthe d’effets désincarnés. «Son labyrinthe», comme le dit une parabole allemande anonyme, «pourrait être comparé à des chocs en tâtonnant dans le noir». Entre les sérigraphies de fleurs et de visages noyés, les battants en coulisse et les cadres de fenêtres flottants, le spectateur cherche du sens dans une atmosphère de passivité sinistre, d’aliénation de la foule ou dans le plaisir étrange de se sentir pris au piège. Il ne s’agit pas tant de l’horreur que de l’illogisme des rêves. Les peintures scintillent de sentiments d’étrangeté, de moments où l’esprit se sent méconnaissable à lui-même, ou lorsque sa propre maison, peut-être sous une lumière étrangère, semble inhabitable. Les oeuvres entourent des moments, essentiellement, où le labyrinthe prend le contrôle de l’intrigue : «un peu comme si on était pris dans un brouillard, ou un paysage enveloppé de nuages», comme le note Arden Reed, ailleurs. Les oeuvres de Houette s’enferment dans le brouillard de l’imagination, l’abime de l’esprit.
Sabrina Tarasoff
Merci à Louise Sartor & Matthieu Palud
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