La nuit du chasseur
Hélène Baril
Dans cette installation de nouveaux dessins etœuvres sur papier d’Hélène Baril, un espace d’hostilité s’ouvre entre Melancholia 1 de Dürer et la trilogie Xenogenesis d’Octavia Butler. Ses dessins reproduisent l’aliénation et l’éloignement qui hantent nos expériences quotidiennes à travers l’utilisation de motifs répétés qui occupent et explorent l’affect négatif contre les attentes normatives qui cherchent à les diminuer.
L’image principale qu’utilise Hélène est celle de l’accident de voiture ou de ses séquelles, qui a été vidée de son choc et de son émotion, et qui est habitée d’une certaine manière. Les dessins sont jonchés de carcasses tordues d’automobiles entrelacées de motifs pastoraux et d’enfants qui jouent, mais chaque collision est différente. Chaque image n’est pas la répétition d’un événement singulier, mais une cascade de scénarios et d’univers parallèles passant par un prisme de scènes réécrites qui interrompent sans cesse toute tentative de les organiser en un récit séquentiel. Il n’est même pas clair si l’accident en question « appartient » aux personnages qui habitent les fragments du dessin.
Dans l’œuvre d’Hélène, l’accident de voiture est un incident qui définit et éradique un moment, il le coupe de tout ce qui le précède, il rompt tout passage significatif de A à B. Il crée plutôt une île hors du temps dans laquelle les enfants et les marionnettes peuvent jouer leurs parties. Les crashes ne sont la propriété de personne dans les dessins. Ils ne sont ni les vôtres ni les miens. Il y a plutôt un champ ou une relation de crash qui précède tout. De ce champ de dégâts émergent les relations et les socialisations des personnages du dessin.
Baril indique, dans le grand dessin en forme de bannière qui termine l’exposition, que le refus de ses personnages de reconnaître ou de tenter de changer leur place dans le « crash » a une dimension politique. Elle propose la délinquance comme son activisme préféré. Résister au remède, agir et faire passage à l’acte. Son travail se déroule dans un monde qui est tranquillement anormal et étrangement contenu, où personne n’est tout à fait lui-même comme la meilleure stratégie pour la vie moderne.