LeWitt & Leriss
Sol LeWitt
Chrystèle Lerisse
L’exposition LeWitt & Lerisse présente côte à côte des dessins significatifs de Sol LeWitt et des photographies de Chrystèle Lerisse, artiste contemporaine qui a choisi de vivre dans la campagne rurale de la France. Sur fond de changements politiques, de mouvements de civilisations, et des sentiments d’insécurité qui caractérisent notre époque, la volonté du est d’inscrire l’exposition dans l’histoire de l’art mais aussi dans l’histoire contemporaine. L’exposition explore l’utilisation des systèmes et la force affective du travail des deux artistes. Pourquoi affective ? Parce que cette notion explore comment un système émotionnel rend le monde accessible. On ne part pas de l’intérieur, mais de la relation. Bien qu’ils ne soient pas de la même génération, ni ne vivent sur le même continent, ni n’orientent leurs travaux de la même manière, Lerisse et LeWitt utilisent le processus et la série qui codent. Ces deux systèmes sont considérés comme premier : ils prennent le pas sur les objets et le sens qu’ils transmettent. Ce code, au-delà de la simple mécanique du programme est un moulage/une empreinte profondément complexe de notre histoire au traver de ce qu’Heidegger nommait « stimmung »1. Pour Heidegger il y a une mélodie du monde. L’ensemble de cette notion peut se traduire en français par tonalité. On peut également parler de « vibe ».
Le travail de LeWitt est fortement influencé par les théories de développement de l’information et de la communication de son époque. Il réorganise la relation entre l’artiste, le regardeur et l’œuvre de telle sorte qu’elle pourrait être comprise comme un processus de communication et non comme la question d’une idée ou d’une signification. Si on prend l’idée du système social comme développée par Niklas Luhmann3, les systèmes devraient être compris comme une série de simplification de notre environnement de données chaotiques et écrasantes de telle façon que la transmission d’information est possible. Cela met en place une opposition entre système et environnement ; des systèmes se croisent/se coupent avec des sous-systèmes et sélectionnent/créent des différenciations de système. Des systèmes autoproduits par la communication – « la communication communique qu’elle communique »4 – évoluent et changent pour se nettoyer en cas de défaillance. Cette structure récursive permet l’émergence de signification ambiante intégrée dans l’espace de possibilités du système.
Avec le travail de Chrystèle Lerisse, la relation du système à son environnement (définit comme ne pouvant pas entrer en communication) émerge avec force. Le système résiste aux éléments qui veulent entrer de l’extérieur, surtout si ces éléments menacent l’intégrité interne du système. La visibilité et la capacité à produire du sens sont définies par le système qui génère ces significations, mais avec le travail de Lerisse, la question/l’interrogation nouvelle de l’espace frontière entre un environnement chaotique qui envahit et une intériorité (déstabilisée) s’articule. Lerisse montre au-delà du système sa possible transformation, son évolution et sa désintoxication. Ses séries promettent toujours plus, leur apparence fantomatique incomplète code plus qu’un simple bruit environnemental. La Frontière se situe entre un espace extérieur inarticulé et un espace sensoriel/signifiant ; entre environnement et système. La sienne est une complainte, un cri/un appel sans mot pourtant, qui déjà émerge d’une nouvelle dérivation/distinction/spécialisation, une communication qui n’est pas encore compréhensive, mais qui arrive.
1 Philippe Arjakovsky, François Fédier, Hadrien France-Lanord, Le dictionnaire Martin Heidegger, Les éditions du Cerf, Paris 2013
2 Glass bead Journal, Peli Grietzer, A Theory of Vibe, 2017. http://www.glass-bead.org/article/a-theory-of-vibe/?lang=enview
3 Following Jonathan Flatley’s proposal in, Sol LeWitt : Incomplete Open Squares, Edited by Nicholas Baume 2001. MIT press, Cambridge Massachusetts 2001.
4 Niklas Luhmann, Systèmes sociaux : Esquisse d’une théorie générale. Presses Université Laval, 2011